Dans un contexte économique où l’industrie cannière est en baisse, MCFI, pionnier de la production de fertilisants à Maurice accélère nettement son évolution, revoit toute sa stratégie et diversifie son offre et ses marchés. Yannis Fayd’herbe, à la tête de l’entreprise depuis 2019, nous dévoile cette nouvelle stratégie et le nouveau positionnement de MCFI pour 2020.
Yannis, cela fait bientôt huit mois que vous êtes à la tête de MCFI. Quel est votre résumé de ces derniers mois et quels ont été vos principaux chantiers ?
« Ce n’est un secret pour personne que notre marché principal, l’industrie cannière mauricienne, rencontre des difficultés et pas mal de défis. Les superficies de terrain sous culture de canne à sucre ne cessent de diminuer, ce qui impacte directement notre entreprise, car il y a de moins en moins de demande pour les fertilisants. Cette situation nous a permis de prendre du recul et d’avoir une réflexion profonde pour revoir notre ‘business model’ et notre approche par rapport à ce que nous offrons aujourd’hui sur ce marché, c’est-à-dire les fertilisants et autres produits et services.
Ces derniers mois se résument donc principalement en une réorganisation et une restructuration complète de notre entreprise. Nous avons redéfini notre approche et notre stratégie et avons notamment décidé de mettre l’accent sur la R&D afin de faire évoluer progressivement le MCFI d’un ‘commodity business’ à une entreprise de services. Cela prendra du temps, mais nous avons déjà les bases pour atteindre notre ambition et nous nous sommes donné douze à dix-huit mois pour capitaliser sur cette stratégie. D’ailleurs, les résultats de cette restructuration et de cette réorganisation se feront déjà sentir courant 2020.»
Quid de Chemco et de Bychemex, vos entreprises-sœurs qui ont été intégrées au groupe MCFI en 2019?
« Toute la réflexion dont je vous parlais s’applique aussi bien à Chemco et Bychemex qu’à MCFI. Nous nous sommes complètement remis en question. Nous avons réévalué toutes les lignes de produits et services existants, afin de décider quoi garder et quoi éliminer. Nous avons tout revu de A à Z : c’est donc une nouvelle équipe qui est en place depuis janvier 2020, avec des synergies transversales aux entités du groupe. Ainsi, un seul département de « supply chain » dessert désormais toutes les entités pour les activités locales et internationales et il y a un département unique pour la production. Le laboratoire de Chemco est désormais un « support service » pour les trois entités et nous sommes d’ailleurs en train de faire des investissements importants dans ce département de façon à ce qu’il soit efficace et réponde aux besoins de tous nos pôles d’activités.
Comme nous souhaitons fermement éliminer cette ancienne approche en silo, nous nous concentrons sur une réflexion stratégique pour l’ensemble du groupe MCFI, Chemco, Bychemex et par pôle d’activités : agriculture, industrie ainsi que les solutions de traitement des eaux. Nous avons donc développé un plan d’action spécifique à ces trois pôles et allons lancer de nouveaux pôles à moyen et long terme. Cette nouvelle approche nous permettra de poursuivre notre croissance, avec une diversification vers d’autres marchés.»
MCFI opère déjà dans plusieurs pays d’Afrique. Quels sont les projets de développement et de croissance ?
« A ce jour, 50 % de notre chiffre d’affaires provient de nos marchés internationaux. Nous avons des bureaux en Tanzanie et en Zambie qui sont des marchés sur lesquels nous sommes bien placés. De ces bureaux, nous opérons dans plusieurs pays du continent notamment au Malawi, en Éthiopie, en Ouganda, au Rwanda, au Zimbabwe et à Madagascar. Dans l’immédiat, le projet en cours est l’ouverture d’un nouveau bureau à Madagascar, qui sera opérationnel d’ici fin mars 2020.
Nous avons également des opportunités sur l’Afrique de l’Ouest que nous sommes en train de considérer, car nous avons également revu notre stratégie africaine pour commencer par l’ouverture d’un cluster dédié à l’international pour gérer nos exportations ainsi que celles de nos filières. Nous souhaitons également ouvrir nos marchés africains à nos entreprises-sœurs afin qu’elles puissent mettre notre réseau existant à profit. »
Comment réagissez-vous face à la demande du public pour des solutions plus écologiques et contrôlées ? Les agriculteurs mauriciens et africains sont-ils prêts et disposés à faire la transition ? Comment les soutenez-vous dans cette démarche ?
« C’est vrai qu’il y a un éveil au niveau des consommateurs par rapport à la qualité des produits. Le marché mauricien a beaucoup évolué et il est arrivé à un certain stade de maturité où les consommateurs se posent des questions. Cependant, même s’il y a cette demande de la part des consommateurs finaux, cela ne veut pas dire pour autant que les producteurs soient prêts à franchir ce cap. Il existe des contraintes, que ce soit au niveau du coût ou de l’application des biofertilisants. Il reste un énorme travail de conscientisation à mener auprès des agriculteurs. Les principaux obstacles sont, bien sûr, les coûts rattachés aux biofertilisants, mais aussi le rendement : les agriculteurs ne peuvent pas utiliser uniquement du bio et arriver au même rendement, car les biofertilisants ne sont pas aussi performants que les engrais traditionnels. Il y a aussi l’aspect pratique : les engrais sont fournis en plus petit conditionnement et il faut ensuite faire un mélange avant l’application, ce qui devient compliqué pour les productions à grande échelle.
Partant de ce constat, nous nous sommes donc demandé comment d’adapter au marché pour simplifier l’application de l’engrais biologique. En premier lieu, nous faisons un travail sur le terrain pour convaincre les agriculteurs de la nécessité de cette démarche. Nous leur fournissons aussi des échantillons gratuits de biofertilisants, à essayer.
Nous allons encore plus loin donc cette réflexion : nous ne voulons plus nous positionner uniquement comme producteur et revendeur de fertilisants, mais aussi accompagner les agriculteurs dans cette démarche d’agriculture raisonnée, en proposant des services d’application et d’épandage, qui aideront à terme nos clients à passer ce cap écologique. Cela prendra du temps, mais nous persévérons, car nous sommes convaincus que ce changement est nécessaire et se fera. »